01 juillet 2022

Qu’il soit sain ou pathologique, le vieillissement de la perception visuelle est inéluctable. Mais pour le docteur Angelo Arleo qui dirige une équipe de recherche biomédicale à l’Institut de la vision à Paris, il est loin d’être une fatalité ! Entre sensibilisation, prévention et traitements fonctionnels, Angelo Arleo partage son savoir et ses conseils avisés sur les changements de la vision liés à l’âge.

De quelle façon la vision évolue-t-elle chez les personnes âgées ? Quels sont les troubles les plus fréquents ?

Dr Angelo Arleo

Dr. Angelo Arleo : En l’absence de pathologie, dans le cadre d’un vieillissement naturel, à l’instar de toutes nos autres fonctions sensorielles et cognitives, la vision évolue beaucoup avec l’âge. Le premier signe tangible et symptomatique qui indique que notre système change est l’apparition de la presbytie aux environs de 45 ans en moyenne. Elle se caractérise par une difficulté à lire de près et peut entraîner des maux de tête. La presbytie évolue rapidement et se stabilise autour de 60 ans. Il s’agit d’un trouble de la vue très courant et sans gravité, il suffit de consulter et de porter une bonne paire de lunettes progressives !

 

Plus tard, autour de 70 ans voire 75 ans, des changements multi-échelles surviennent et touchent toute la chaîne de traitement de l’information. Tout un panel de nos fonctions visuelles sont altérées : la sensibilité aux contrastes et à la luminosité, l’acuité visuelle, notre capacité à détecter des mouvements dans notre champ de vision périphérique, la perception de la profondeur ou encore la distinction des couleurs. Cela s’accompagne de modifications d’ordre mnésique et cognitif. Elles se matérialisent par des difficultés à utiliser notre attention visuelle pour extraire et stocker l’information visuelle pertinente dans une situation complexe avec beaucoup de distracteurs comme un hall de gare ou une place de marché. Ces changements sont pour la plupart bénins et n’altèrent pas notre qualité de vie si ce n’est lorsque l’on arrive dans des situations proches de la pathologie. 

Quelles sont les pathologies les plus souvent observées ?

Dr. Angelo Arleo : Certaines personnes souffrent de sècheresses oculaires qui peuvent s’avérer très douloureuses, ou de cataracte qui, celle-ci, s’opère aujourd’hui très facilement. La maladie rétinienne la plus impactante liée à l’âge reste la DMLA (Dégénérescence maculaire liée à l’âge) car elle engendre une perte de la vision centrale, à savoir celle que nous utilisons dans toutes nos tâches au quotidien – lire, conduire, interagir avec le monde, reconnaître les visages, se déplacer, faire ses courses. 

Cette pathologie entrave donc un certain nombre d’actions essentielles.

La DMLA entraîne de façon immédiate et inexorable une perte de l’autonomie et affecte l’estime de soi.  La DMLA touche aujourd’hui entre 10 et 25 % de la population au-delà de 65 ans, elle peut cependant survenir plus tôt, autour de 50 ans. Sa complexité réside dans son caractère silencieux. Elle est tout à fait asymptomatique sur une grande partie de son évolution. Lorsque l’on est alerté par l’apparition de signes tels que la perte d’acuité visuelle, cela signifie que la dégénérescence est déjà à un stade avancé et que la maladie est déjà irréversible. Le diagnostic, dans la plupart des cas est posé trop tard.

Dans ce cas, comment peut-on prévenir la DMLA ?

Dr. Angelo Arleo : La clé, c’est le dépistage précoce. Faire un fond de l’œil est la seule manière de voir les lésions. La plupart des ophtalmologues de ville disposent aujourd’hui d’outils d’imagerie rétienne qui permettent d’identifier ces dégénérescences dès leur apparition. Il faudrait mettre en place un suivi ophtalmique plus soutenu à partir de 50 ans et consulter au moins une fois par an. De nombreuses associations telles que l’UNADEV proposent des formations pour le personnel soignant qui entoure la personne au quotidien pour identifier les premiers signes de la maladie.

En amont, maintenir un bon exercice physique, une bonne hygiène alimentaire, éviter le tabagisme ainsi que certains problèmes de santé tels l’obésité ou l’hypertension artérielle permettent de réduire les facteurs de risque et de prévenir la maladie. De la même façon, il est préférable de se protéger de la lumière du soleil et de limiter l’exposition aux écrans notamment en portant des lunettes équipées d’un filtre de protection aux lumières bleues.

Quels dispositifs peut-on mettre en place pour améliorer le confort et la perception visuelle des personnes présentant ces troubles ?

Dr. Angelo Arleo : Les orthoptistes font un travail merveilleux. La maladie touchant notre vision centrale, l’orthoptiste propose une rééducation qui consiste à aller chercher ce qu’on appelle le « Preferred Retinal Locus » (PRL), une région de notre rétine épargnée par la dégénérescence pour avoir une vision excentrée. Cela consiste à apprendre à observer une personne ou un objet sous un certain angle pour que son image arrive sur cette partie de la rétine. Cela révolutionne significativement la qualité de vie des patients. Il existe aussi différents outils et dispositifs optiques : des systèmes de loupes, de miroirs ou de prismes qui permettent de dévier l’information sur la zone de la rétine épargnée. Ils sont précieux car ils augmentent de façon considérable le confort et l’estime de soi des patients.

Par ailleurs, il est possible de stabiliser la DMLA dite « humide » si elle est dépistée suffisamment tôt. Les injections intraoculaires donnent d’excellents résultats et stabilisent le processus de néovascularisation qui caractérise cette forme de la maladie.

Selon vous, quels sont les enjeux et les perspectives de demain pour la recherche sur les troubles visuels liés au vieillissement ?

Dr. Angelo Arleo : Nous sommes aujourd’hui tournés d’une part vers l’identification des biomarqueurs, qui sont les indicateurs au niveau structurel ou fonctionnel d’une transition vers une pathologie. Par ailleurs, les travaux menés autour du vieillissement visio-cognitif dans le cadre de l’orientation spatiale sont porteurs. Nous essayons de comprendre la façon dont les personnes âgées s’orientent dans l’espace car c’est un aspect sur lequel il est possible d’agir concrètement. Nous travaillons par exemple en ce moment avec la SNCF à l’optimisation des services à mobilité et de la signalisation dans les gares.

Des avancées extraordinaires sont en cours du côté de la recherche thérapeutique dans le champ de la maladie visuelle. A l’Institut de la vision, nous menons un certain nombre d’essais cliniques en collaboration avec d’autres centres dans le monde qui se concentrent sur la « restauration visuelle ». Dans le cadre de patients ayant perdu la vue, nous commençons à entrevoir des pistes pour récupérer même partiellement la vision. Nous avons d’ailleurs partagé une étude en 2021 sur le cas d’un patient aveugle depuis plusieurs années ayant pu recouvrir partiellement la vue. C’est une avancée incroyable qui envoie un message positif et inspirant : ce qui est possible aujourd’hui était inimaginable hier, les découvertes de demain sont prometteuses !

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